Effet du port de semelles orthopédiques pendant la course à pied sur la posture et sur l’architecture podale
Stéphane Vermand1,2,3 , Sébastien Duc1 , Jean-Michel Samper1, Frank-Jourdan Ferrari1,3, Jean-Claude GAILLET1, William Bertucci1, Guillaume POLIDORI1
1 Groupe de recherche en sciences pour l’ingénieur (EA 4694), UFR STAPS, Université de Reims-Champagne-Ardenne, Reims, France.
2 Cabinet de Podologie du sport et d’étude posturale, Amiens, France.
3 Association de Podologues du sport Podo’xygene, Tourcoing, France
Auteur correspondant :
Stéphane Vermand, 36 rue Jean Catelas, 80000 AMIENS, 06.07.72.71.86, stephane.vermand@gmail.com
Résumé :
Objectifs
Déterminer les effets d’une paire de semelle orthopédique sur le contrôle postural et sur l’architecture podale après une activité de course à pied.
Matériels et Méthodes
Vingt sujets sportifs (10 hommes et 10 femmes) ont couru sur une piste d’athlétisme pendant 30 minutes à 10 km/h en utilisant soit des semelles neutres soit des semelles de correction. Les données morphologiques (la longueur des pieds, la largeur des avants pieds et la chute naviculaire), posturographiques (surface d’appui podale) et stabilométriques (X moyen, Y moyen, longueur de la trace, surface de l’ellipse de confiance et vitesse de déplacement du centre de pression) ont été mesurés 5 min avant et après l’exercice de course.
Résultats
L’utilisation d’une semelle de correction entraîne une chute de l’os naviculaire du pied gauche (p<0.05), une augmentation de la longueur des 2 pieds (p<0.05), une diminution de la surface d’appui pour les 2 pieds (p<0.01) et un déport du centre de pression vers la droite dans le plan frontal (p<0.01) mais ne modifie pas les autres facteurs posturaux. Ceci suggère que le port des semelles orthopédiques entraine un contrôle de la voute plantaire car le pied à tendance à s’allonger pendant que la surface diminue. Cependant, les réponses asymétriques entre les deux pieds nous amènent à constater que la plupart des traitements médicaux réalisés symétriquement peuvent amener à déséquilibrer la posture globale du corps ainsi que la structure direct du pied.
Mots clés : semelles orthopédiques ; running ; posture ; mesures de pied
Abstract:
Objectives – To study the effect of foot orthoses on postural control and foot measures after running.
Material and methods – Twenty sportsmen (10 men and 10 women) run 30 minutes in the field at 10km/h with using running soles or orthopaedic soles. The morphological data (navicular drop, length of foot, width forefoot), posturographic data (plantar area) and stabilometric data (Xmean, Ymean, and length of the trace, confidence ellipse area and speed of movement of center of pressure) were measured 5 min before and after the running exercise.
Results – Foot orthoses decreased significantly navicular drop left foot (p<0.05), increased the length of 2 feet (p<0.05), decreased plantar area of 2 feet (p<0.01). The pair of insoles causes a significant offset of the center of pressure to the right in the frontal plane (p<0.01) but did not affect other postural factors. This results shows that wearing orthopaedic soles causes the hang of foot arch since the foot tends to elongate while the surface decreases. However, the asymmetrical responses observed between the two foots leads us that most orthopaedic treatment performing symmetrically can disturb the body balance and change the foot architecture.
Keywords: foot orthoses ; running ; posture ; foot measurement
1. Introduction
La course à pied prolongée entraîne une modification de certaines variables morphologiques du pied, comme l’affaissement de la voûte plantaire (Cowley et Mardsen., 2013). Cette modification, probablement due à la fatigue du muscle abducteur de l’hallux (Headlee, Leonard, Harta, Ingersoll, et Hertel, 2008), a été mesurée indirectement par la chute naviculaire, appelée plus couramment « navicular drop » par les anglo-saxons. Cette dernière correspond à la différence de hauteur naviculaire (distance verticale de la tubérosité naviculaire par rapport au sol) entre la position assise (condition en décharge) et la position debout (condition de charge). L’étude menée par Del Rossi, Fiolkowski, Horodyski, Bishop, et Trimble (2004) montre qu’une correction de la voute plantaire et du calcanéus respectivement par des bandes et des cales orthopédiques, augmente la hauteur naviculaire avant un effort. Cependant, la hauteur naviculaire au repos n’influence pas directement les blessures chez le coureur à pied (Nakhaee, Rahimi, Abaee, Rezasoltani, et Khademi Kalantari, 2008) alors que le travail de correction sur cette hauteur est généralement effectué en prévention de blessures (Fourchet, Kilgallon, Loepelt, et Millet, 2009).
D’autres variables anthropométriques, telles que la longueur et la largeur du pied, peuvent être modifiées lors d’une course prolongée. La longueur du pied est généralement mesurée à l’aide d’une empreinte obtenue sur papier carbone, entre le point le plus en arrière au niveau du talon et le point le plus en avant du talon antérieur, excluant ainsi les orteils pour éviter toutes irrégularités de mesures liées aux déformations de ces derniers. Certains auteurs normalisent un index de l’arche podale à partir de cette longueur (Cavanagh & Rodgers, 1987 ; Menz & Munteanu, 2005). Cependant, il semble qu’il soit plus judicieux d’effectuer ces mesures en incluant les orteils car de nombreux coureurs ressentent, lors de leur pratique, un allongement de la longueur des pieds (Jasuja, Singh, et Jain, 1991 ; Teyhen et al., 2009). C’est pour cette raison qu’ils choisissent généralement d’utiliser des chaussures d’une taille supérieure. La largeur de l’avant pied est mesurée en principe entre la 1ère et la 5ème tête métatarsienne (Teyhen et al., 2009). Une étude (Blenkinsopp, Harland, Price, Lucas, et Roberts, 2012) a observé à partir d’une analyse cinématique que la largeur de l’avant pied augmente de 8 mm pendant un exercice de course à pied, plus particulièrement lors de l’appui digitigrade.
L’effet des semelles orthopédiques sur l’aspect posturographique de la surface plantaire, a lui aussi suscité de nombreuses études. Le travail de Telfer, Abott, Steultjens, Rafferty et WoodBurn (2013) montre que la correction de pieds pronateurs entraine une diminution du pic de force verticale sur les zones postéro-latérales et antéro-latérales du pied et sur la totalité du médio-pied lors d’un exercice de marche. Mc Millan et Payne (2011) ont observé un appui plus précoce sur l’avant pied ainsi qu’une diminution du temps d’appui à cet endroit lors de l’utilisation de semelles orthopédiques de correction pendant un exercice de course à pied sur tapis roulant. La sensation de confort peut aussi être améliorée avec l’utilisation de ce type de semelle en réduisant les pics de pressions plantaires et le temps de contact au niveau des zones avant du pied, souvent douloureuses (Chen, Nigg, & De Koning, 1994). Teyhen et al. (2009) ont montré à travers un modèle musculo-squelettique que la surface d’appui au sol dépend de la hauteur de la voute plantaire. Cette dernière est contrôlée par l’articulation sub-talaire située entre le calcanéus et le talus. Cette zone permet d’adapter le pied à la surface de support lors de la locomotion bipède telle la marche et la course à pied (Leardini, Stagni, & O’Connor, 2001). La position du calcanéus influence également les déplacements du membre inférieur pendant ces activités cycliques (Mc Culloch, Brunt, & Vander Linden, 1993 ; Winkelmeyer, Nelson, Southwork, & Carlson, 2006). Les appuis plantaires peuvent être modifiés après une activité prolongée de marche ou de course à pied (Chen et al., 1994 ; Milan et Payne, 2011 ; Telfer et al., 2013 ; Vie, Brerro-Saby, Weber, & Jammes, 2013a ; Vie, Gomez, Brerro-Saby, Weber, & Jammes, 2013b). La surface plantaire déterminée en statique en position debout, augmente par exemple après un exercice à puissance progressive réalisé sur un tapis de course (Vie et al., 2013a). Ces modifications qui persistent 5 et 10 min après la fin de l’exercice ont aussi été observées après un exercice de fatigue des muscles éverseurs du pied (Vie et al, 2013b).
La stabilité posturale peut également être altérée à l’issue d’un exercice de course exhaustif (Burdet & Rougier ,2004 ; Zech, Steib, Hentschke, Eckhardt, et Pfeifer, 2012 ; Paillar, 2012). Un exercice de course à puissance progressive conduit jusqu’à épuisement, augmente le temps de stabilisation de la posture debout et modifie le contrôle dynamique chez des sujets sains, mais aussi chez des sujets présentant des instabilités de cheville ou des entorses récurrentes (Steib, Hentschke, Welsh, Pfeifer, et Zech, 2013). La vitesse de déplacement du centre de pression lors du maintien de la posture debout mono-podale est aussi augmentée. Les exercices prolongés modifient aussi profondément l’ensemble des variables de la stabilisation posturale (Burdet & Rougier, 2004 ; Paillard, 2012). La longueur et la surface d’oscillation augmentent significativement après une marche de 25 minutes sur tapis roulant (Nardone, Tarantola, Galante, et Schieppati, 1998). Ces modifications sont souvent engendrées par des perturbations dues à la fatigue ou à la déshydratation (Gauchard, Gangloff, Vouriot, Mallié, et Perrin, 2002). De plus, la stabilisation du contrôle postural est améliorée dans le plan sagittal par la mise en place de cales talonnières interne et externe (Ganesan, Lee, et Aruin, 2014). Toutes ces études démontrent l’ampleur des facteurs qui peuvent entrainer une altération du contrôle postural après un exercice de course ou de marche prolongée.
L’objectif de cette étude est de comparer l’effet de semelles orthopédiques de correction, agissant sur l’articulation sub-talaire, à celui de semelles sans correction (semelles d’origine des chaussures de running), à partir des mesures anthropométriques des pieds, de leurs surfaces d’appui et du déplacement du centre de pression lors du maintien de la posture debout, avant et après une course à pied prolongée. Nous émettons l’hypothèse que les modifications de l’architecture podale et des paramètres posturaux sont moins importantes lors d’une course avec des semelles orthopédiques thermoformées en position neutre puisque ces dernières maintiennent en théorie la structure du pied et limitent le travail musculaire excessif du pied, permettant ainsi de mieux stabilisé l’architecture podale et l’équilibre postural. D’un point de vue thérapeutique, l’intérêt de cette étude réside dans l’évaluation de l’efficacité des semelles de correction sur la posture.
2. Matériels et méthodes
2.1 Population
Vingt sujets (dix hommes et dix femmes) sans antécédents de blessures, de pathologies médicales ou d’opérations chirurgicales particulières, et pratiquants une activité physique d’endurance régulière, ont participé volontairement à cette étude, qui s’est déroulée en accord avec les recommandations éthiques de la déclaration d’Helsinki, révisées en 2004. Tous les sujets ont signé au préalable un consentement éclairé après avoir eu connaissance des objectifs et du protocole de l’étude expérimentale. Les caractéristiques des sujets étaient les suivantes (moyenne ± écart-type) : âge : 24.3 ± 1.8 ans, taille : 173.3 ± 7.6 cm ; masse corporelle : 68.1 ± 9.6 kg.
2.2 Protocole
Chaque participant a effectué deux courses de 30 minutes à 10 km/h autour d’une piste d’athlétisme de 200 m, en utilisant ses chaussures personnelles de running (drop arrière ≥ 10 mm) qui étaient équipées avec les semelles d’origines considérées comme neutres (condition R) ou avec des semelles orthopédiques de correction (condition AC). La vitesse de course a été contrôlée visuellement par les temps de passages tous les 100 mètres (± 2 s). Les deux courses ont été réalisées à une semaine d’intervalle dans un ordre aléatoire et randomisé, le même jour et à la même heure (± 1 heure) pour respecter les rythmes circadiens de chaque sujet (Bucheit, Laursen, Leblond, et Ahmaidi, 2010). Les sujets ne devaient pas manger au cours des trois heures avant le test, ni faire d’activités sportives intenses le jour précédent.
2.3 Matériels et mesures
Les paramètres structurels du pied (chute naviculaire, longueur du pied, largeur de l’avant-pied), les surfaces des appuis au sol ainsi que les paramètres spatiaux-temporaux du déplacement du centre de pression lors du maintien de la posture debout, ont été mesurés 5 minutes avant et après chaque course.
La chute de l’os naviculaire a été mesurée à l’aide d’un réglet métallique gradué en mm (Maped, Argonay, France), dans 2 positions. Tout d’abord assise : le genou fléchi, le talon étant en contact avec le sol et l’articulation sub-talaire en position neutre (Nakhaee et al.,2008) Puis en position debout : le poids du corps devant être réparti de manière égale entre les deux membres inférieurs (Del Rossi et al., 2004). La chute naviculaire (ND) du pied a été déterminée à partir de la différence de la hauteur du naviculaire entre la position assise et la position debout. La longueur de chaque pied (LOP) a été mesurée à l’aide une règle graduée en mm (Kapro, Lake Mills, USA) en position debout, les pieds séparés de cinq centimètres. La règle était placée perpendiculairement au mur et le pied aligné le long de celle-ci en contact avec le talon et la première articulation métatarso-phalangienne. Le curseur était alors placé au niveau du point le plus en avant du pied et la mesure lue directement sur la règle graduée (Teyhen et al., 2009) La largeur du pied (LAP) a été déterminée entre la 1ère et la 5ème tête métatarsienne (Teyhen et al., 2009) par un pied à coulisse électronique gradué en mm (Dexter, Lille, France). La position du pied était identique à celle demandée lors de la mesure de la longueur du pied. Le pied à coulisse était calibré avant chaque utilisation pour éviter les erreurs dues à la mesure précédente. Des points de repères étaient matérialisés sur la tubérosité naviculaire et les têtes métatarsiennes des pieds afin de pouvoir répéter les mêmes mesures après la course. Toutes les mesures ont été effectuées pour chaque pied, par le même expérimentateur (un podologue du sport avec quatre années d’expérience).
La surface des appuis podaux au sol et les paramètres spatiaux-temporaux du centre de pression (positions moyennes sur l’axe antéro-postérieur (Y) et médio-latéral (X), sur la surface de l’ellipse de confiance, sur la longueur de la trace et sur la vitesse moyenne de déplacement) ont été mesurées en position debout à l’aide d’une plateforme FreeMed (SensorMedica®, Rome, Italie). Pendant les mesures, les sujets devaient orienter les pieds à 30° de part et d’autre de l’axe antéro-postérieur de la plateforme, placer les talons au même niveau et séparés de 5 cm et garder les mains le long du corps. Tout en restant le plus possible immobile et relâcher, les sujets devaient fixer une cible murale située à hauteur des yeux, face à eux et à 90 cm de la plateforme (Norme AFP 85). Pour assurer la répétabilité des mesures entre les tests, des bandes de ruban adhésif de couleur étaient placées sur la plateforme pour matérialiser le placement correct des pieds. Trois enregistrements de 30 s à 100 Hz ont été effectués espacés chacun de 60 s de repos, période pendant laquelle le sujet pouvait s’assoir (Pinsault & Vuillerme, 2009). Le traitement des données de la plateforme a été effectué à partir du logiciel FreeMed (SensorMedica®, Rome, Italie).
Les semelles orthopédiques de correction ont été moulées sur des coussins emprunteurs (Podiatech®, Voiron, France) après avoir positionné le pied du sujet en position neutre (Sell, Verity, Worell, Pease, et Wigglesworth, 1994). Les bases de semelles ont été découpées dans des plaques de polyéthylènes de 5 mm (PE Elipe 56, Eloi®, France) de 56 dureté shore A et de densité 250 kg.m-3. Cette base est ensuite chauffée à 90° pendant 3 minutes par une presse sous-vide (Mobilab 2 Podiatech®, Voiron, France) pour la rendre malléable. Puis la semelle est placée ente le pied et le moulage pendant 3 minutes jusqu’à son retour à température ambiante afin qu’elle garde la forme de correction. Après le moulage, la correction est effectuée en comblant l’espace créé sous la voute plantaire jusqu’au point de contact au sol, à partir d’une base de 4 millimètres en polyéthylène (PE Elipe 56, Eloi®, France) de 56 dureté shore A et de densité 250 kg.m-3. Chaque semelle est ensuite adaptée à la forme des chaussures.
Les valeurs des paramètres morphologiques, posturographiques et stabilométriques, mesurées après chaque exercice de course, ont été exprimées en pourcentage des valeurs mesurées avant chaque course. L’analyse statistique a été réalisée à partir du logiciel Statistica (Stat Soft,Inc© ; Version 12.0.1133.2). Le test de Shapiro-Wilk a montré que la distribution de certaines variables ne suivait pas les principes de la loi normale. En conséquence, la comparaison des données entre les deux conditions expérimentales (R et SC) a été effectuée à l’aide du test non paramétrique apparié de Wilcoxon sur les rangs. Pour tous les tests, le niveau de significativité était fixé à une probabilité de risque a < 5%.
3. Résultats
La figure 1 présente les variations pour chaque pied de la longueur (figure 1a), de la largeur de l’avant-pied (figure 1b) et de la chute naviculaire (figure 1c) observées après la course de 30 min, réalisée avec des semelles neutres (condition R) ou avec des semelles orthopédiques de correction (condition SC).
La chute du naviculaire était plus importante avec les semelles neutres de running après la course (+35 et +15%, respectivement pour le côté gauche et droit) qu’avec les semelles de correction (-3% à gauche et 2 % à droite). La semelle de correction diminue donc significativement la chute naviculaire seulement au pied gauche (p=0,03). La longueur des pieds qui ne variait presque pas après le port des semelles neutres, a augmentée de façon significative (p=0,03) après la course avec les semelles correctrices (+0.7% pour le pied gauche et +0.9% pour le pied droit). La largeur de l’avant pied ne variait pas entre les 2 conditions testées, quel que soit le côté considéré.
Figure 1 – Variation en pourcentage et écart type de la longueur des pieds (a), de la largeur des avants pieds (b) et de la chute naviculaire des pieds (c) après la course de 30 minutes. * différence significative p<0,05, ** différence significative p<0,01
La figure 2 présente les variations pour chaque pied de la surface d’appui plantaire observées après la course de 30 min, réalisée avec des semelles neutres (condition R) ou avec des semelles orthopédiques de correction (condition SC).
Cette surface, des pieds gauches et droits, a respectivement augmentée de 10 et 11% après l’utilisation des semelles neutres. Avec les semelles de correction, cette surface d’appui n’a pas été modifiée après la course (-1 % pour le pied gauche et +1% pour le pied droit). La surface d’appui des 2 pieds est donc moins grande après le port de semelles orthopédiques (p<0.01).
Figure 2 – Variation en pourcentage et écart type de la surface d’appui plantaire au sol après la course de 30 minutes. * différence significative p<0,05
La figure 3 présente les modifications des positions médio-latérales (X moyen, figure 2a) et antéro postérieures (Y moyen, figure 2b), de la surface de l’ellipse (figure 2c), de la longueur de la trace, (figure 2d) et de la vitesse de déplacement (figure 2e) du centre de pression lors du maintien de la posture debout, observées après la course de 30 min réalisée avec les semelles neutres (condition R) et les semelles orthopédiques de correction (condition SC). L’augmentation du X moyen après la course de 30 min était significativement plus important avec l’emploi de semelles de correction, qu’avec des semelles neutres (428 vs 108 %, p<0.01). Cette adaptation posturale a été observée chez 17 des 20 sujets. Le Y moyen était diminué respectivement de 20 et 25% dans les conditions neutre et correction tandis que la surface de l’ellipse a été augmentée de 30-40 %. La longueur de la trace était faiblement diminuée lors de la course avec les semelles neutres (-2%) tandis qu’elle augmentait légèrement avec les semelles de corrections (6%). En revanche, l’augmentation de vitesse de déplacement du centre de pression était identique dans les 2 conditions (4%). Cependant, l’analyse statistique a révélé que toutes ces variations mineures n’étaient pas significativement différentes entre les deux types de semelles.
Figure 3 – Variation en pourcentage et écart type du X moyen (a), du Y moyen (b), de l’ellipse de confiance (c), de la longueur de la trace (d) et de la vitesse de déplacement du CDP (d) après la course de 30 minutes. * différence significative p<0,05
4. Discussion – Conclusion
Le résultat principal de cette étude montre que contrairement aux semelles d’origines dites neutres (sans correction), l’utilisation de semelles orthopédiques de correction entraîne une diminution significative de la surface d’appui et de la chute naviculaire du pied gauche après un exercice de course à pied de 30 min réalisé à intensité modérée. Ces semelles contraignent aussi les structures podales à s’allonger dans le sens antéro-postérieur par une éventuelle modification de la forme ou du positionnement du pied, comme l’atteste l’augmentation de sa longueur sans profondément modifier sa largeur. Ceci suggère qu’en contrôlant la voûte plantaire, les orthèses créent un soutient des structures du pied qui se relâchent dans un plan sagittal dès que le sujet ne les porte plus.
On peut remarquer des différences d’adaptations entre les 2 pieds. La chute naviculaire du pied gauche a légèrement diminuée (3%) après la course effectuée avec les semelles de corrections tandis que celle du pied droit a légèrement augmentée (2%). Ces résultats sont partiellement en accord avec ceux rapportés par la littérature. Cowley et Mardsen (2013) ont aussi montré que la hauteur de l’os naviculaire est en moyenne plus faible à gauche qu’à droite après un semi-marathon. Cependant, Del Rossi et al. (2004) ont observé une diminution identique de la chute naviculaire des deux pieds. Au regard de tous ces résultats, il semblerait que chaque pied s’adapte de façon spécifique, ce qui pourrait expliquer l’apparition de pathologie sportive unilatérale.
La surface d’appui au sol est significativement diminuée après la course sur les 2 pieds ce qui montre l’effet des semelles orthopédiques. En effet certaines études montraient que la surface globale d’appui au sol est plus grande après un exercice de course à pied progressif (Vie & al., 2013a) ou même un simple exercice de fatigue des muscles éverseurs du pied (Vie & al. 2013b). Cependant la plupart des études travaillant sur l’aspect posturographique pendant la course à pied utilise des données embarquées pendant l’activité (Mc Millan & al., 2011 ; Telfer & al.,2013). Ces données paraissent intéressantes pour connaitre l’effet pendant l’activité mais ne permettent pas d’avoir la connaissance de l’effet post activité qui est plus intéressante d’un point de vue thérapeutique.
La position du centre de pression en position debout a été significativement modifiée par l’utilisation de semelles de correction lors de la course à pied. Après la course de 30 min, le centre de pression s’est déporté 4 fois plus vers la droite qu’avec des semelles neutres. Ganesan et al. (2014) ont aussi observé un déport du centre de pression en statique instantanément après une correction orthopédique mais dans le plan sagittal. Cette différence peut s’expliquer par le fait que nos mesures ont été réalisées pieds nus alors que ces auteurs ont utilisé des semelles équipées d’éléments de correction. Cependant, l’incidence du port des semelles sur les mesures du déplacement de centre de pression lors du maintien de la posture en instantanée demeure à ce jour mal connue. La surface de l’ellipse de confiance, la longueur de la trace et la vitesse de déplacement du centre de pression lors du maintien de la posture debout n’ont pas été significativement altérées après la course de 30 min, quel que soit le type de semelles utilisées. Ces résultats ne sont pas en accord avec ceux de la littérature puisque la plupart des études qui se sont intéressés à cette interaction entre l’activité physique et le contrôle postural ont montré que la course à pied altérait le contrôle de la posture debout (Nardone et al., 1998 ; Burdet & Rougier, 2004 ; Paillard, 2012 ; Zech et al., 2012 ; Steib et al., 2013 ; Vie et al., 2013a ). Ceci est probablement dû à la variabilité inter-sujet importante comme l’atteste les écarts types importants de certaines données mesurées (figure 2b et 2c). Gauchard et al. (2002) ont néanmoins montré que ce contrôle pouvait être détérioré après un exercice de course maximal si les sujets n’étaient pas suffisamment hydratés.
Notre étude présente certaines limites qui doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats. Le temps d’accommodation aux semelles de correction est beaucoup plus faible (30 min de course) comparé à l’étude réalisée par Telfer et al. (2013) où les auteurs ont laissé aux sujets un temps d’adaptation de quatorze jours, permettant ainsi de modifier d’éventuels problèmes et gènes liés à la semelle. Cependant, sur les vingt sujets ayant participé à notre étude, bien qu’ils aient tous ressenti le changement, aucun ne s’est plaint des semelles de corrections malgré notre choix d’utiliser des matériaux relativement « durs ». Cette démarche réalisée aussi lors d’études précédentes (Mc Millan & Payne, 2011 ; Telfer et al., 2013) s’inscrit dans la logique de la correction recherchée dans le domaine médicale au détriment du confort. L’étude de Chen et al. (1994) a ainsi montré que les sujets ressentaient plus de confort avec l’emploi de semelles composées d’éléments souples et moulées. Néanmoins, même si d’autres auteurs, tels Del Rossi et al. (2004) et McMillan et al. (2011) ont étudié l’effet immédiat des semelles de corrections, cette méthode expérimentale est difficilement transposable à la profession de podologue où l’objectif est toujours de créer un soutien durable, en écartant les premiers effets qui peuvent être souvent réactionnels. C’est pourquoi il serait intéressant de reproduire ces mesures au bout de plusieurs semaines pour voir si les différences observées avec les semelles neutres persistent ou disparaissent. La mise en place de ce type protocole expérimental demande certes plus de temps mais apparait intéressante pour vérifier l’efficacité des semelles à long terme.
Contrairement à d’autres auteurs (Del Rossi et al., 2004 ; Telfer et al., 2013) nous avons choisi d’imposer la même vitesse de course (10 km/h) à tous les sujets, dans le but de réduire la variabilité interindividuelle des mesures. Néanmoins, la démarche de laisser chaque sujet choisir sa vitesse de course optimale du point du « confort » demeure intéressante car le sujet ne force pas à priori son geste, sa technique de course à cause d’une vitesse excessive ou trop faible. De plus, faire des mesures dans un contexte de compétition (semi-marathon) comme l’ont réalisé Cowley et Mardsen (2013), parait aussi un choix judicieux car tous les sujets se retrouvent dans une optique de réaliser une performance.
De plus, aucun facteur anthropométrique n’a été relevé sur notre échantillon. Même si le pied d’appui n’influence pas la dynamique du membre inférieur en état de fatigue ou non lors d’une course (Brown, Zifchock, Hillstrom, 2014) il serait intéressant de travailler avec cette donnée au vu des résultats asymétriques observés. Une autre variable qu’est la différence de longueur des membres inférieurs serait à prendre en compte. Même si les effets sur la posture n’en dépende pas (Murrel, Cornwall & Doucet, 1991) on sait qu’une inégalité supérieur à 20 mm peut avoir un impact sur beaucoup de paramètre de performance en course à pied (Gurney, 2002)
Enfin, la taille de notre échantillon et assez faible et relève donc une variabilité très forte dans l’ensemble des résultats. Une augmentation importante du nombre de sujets serait une avancée importante afin d’affiner les résultats et de pouvoir classer les individus en fonction de critères particuliers.
Pour conclure, cette étude nous apporte de nouvelles réponses à propos de l’efficacité des semelles de corrections sur des paramètres du pied et de la posture. Après une course de 30 min, l’utilisation de ces semelles entraîne une augmentation de la longueur des 2 pieds, une diminution de la surface d’appui des 2 pieds et de la chute naviculaire du pied gauche, ainsi qu’un déport plus important du centre de pression vers la droite. Ceci suggère que le port des semelles orthopédiques entraîne un contrôle de la voûte plantaire car le pied à tendance à s’allonger pendant que la surface diminue. Cependant les réponses asymétriques de cette étude nous amène à constater que la plupart des traitements médicaux réalisés symétriquement peuvent amener à déséquilibrer la posture globale du corps ainsi que la structure direct du pied. L’expertise d’un professionnel de santé parait donc difficilement substituable à ce jour pour trouver l’appareillage le plus adapté à un patient.
Les principales évolutions de cette étude seraient de laisser aux sujets un temps d’adaptation plus important aux semelles de corrections et de reproduire ces mesures après plusieurs semaines, mois et années d’utilisation pour évaluer leur efficacité à court, moyen et long terme (temps théorique de l’efficacité du traitement orthopédique). Il serait de plus intéressant de réaliser ces mesures sur différents types de pied, notamment les pieds dits pronateurs, pour déterminer la correction qui parait la plus pertinente.
5. Déclaration d’intérêt
Aucun Conflit d’intérêt
6. Référence
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