Selon une étude de l’Institut Ifop du 23 septembre 2020, les restrictions de déplacement liées à la crise sanitaire ont incité 43 % des Français à avoir une activité sportive plus importante.
Problème : à forte dose, le sport peut induire des fractures de fatigue. Ces lésions sont difficiles à diagnostiquer et il ne faut pas les laisser traîner.
Qu’est-ce qu’une fracture de fatigue ?
La fracture de fatigue, ou fracture de stress, n’est pas une réelle fracture osseuse, mais « une microfissure au niveau des tissus osseux qui s’élargit progressivement en cas d’impacts répétés dans le temps », explique le Dr Patrick Bacquaert. Normalement, l’os a la capacité de s’autoréparer en cas de microlésions très localisées. Cela, grâce à un processus de « résorption osseuse » qui permet la dégradation de la trame osseuse et la réabsorption de ses composants, suivi d’une « reconstruction osseuse ». Cependant, en cas d’utilisation excessive d’une articulation, la résorption surpasse la reconstruction osseuse. Résultat, les fissures microscopiques ne sont plus comblées suffisamment rapidement et se propagent. Selon des travaux américano-brésiliens de 2017, les fractures de fatigue représentent jusqu’à 20% des blessures sportives.
Qui peut être concerné ?
Toute personne qui pratique une activité physique, quel que soit son niveau. « Une fracture de fatigue peut se produire après un surentrainement sportif, mais aussi après une augmentation brutale de la durée ou de l’intensité de la pratique sportive, la reprise non progressive du sport, ou encore une utilisation normale d’un os fragilisé par des carences nutritionnelles ou une ostéoporose (diminution de la densité osseuse liée à l’âge) », développe le Dr Bacquaert. Ceci dit, sont particulièrement plus à risque les adeptes de sports qui font porter tout le poids du corps sur les jambes et pieds, et à fort impact : course, saut, basket, tennis, marche rapide… « Sont également plus exposées les femmes qui s’exercent pendant plus de 5 heures par semaine, et qui présentent une triade de l’athlète féminine : une aménorrhée (absence des règles), des troubles alimentaires , une densité osseuse basse et un IMC (indice de masse corporelle ) bas », souligne Patrick Bacquaert.
Quels os peuvent être touchés ?
« Toutes pratiques sportives confondues, 95 % des fractures de fatigue se situent au niveau des membres inférieurs avec une nette prédominance pour le tibia (de 23,6 % à 49,1 % des cas), puis l’os naviculaire (17,6 %), le métatarse (16,2 %), la fibula (ou péroné) (15,5 %) et le fémur (6,6 %) », écrivent le Dr Christophe Lebleu et ses collègues médecins militaires, dans un article scientifique sur ces lésions (lesquelles ont été signalées pour la première fois chez des militaires, au milieu du 19e siècle). Ceci dit, elles peuvent aussi survenir au niveau de la hanche, des côtes ou du bas du dos. Ainsi, lors d’une étude publiée fin 2020, des médecins turcs ont rapporté le cas d’une joueuse de golf amateur avec une fracture de fatigue au niveau du sacrum, un os au bas du dos.
Quels sont les symptômes d’une fracture de fatigue ?
Quels réflexes adopter ?
Pour toute douleur liée à une activité physique, « arrêter celle-ci et appliquer de la glace, sans prendre aucun médicament antalgique. Si la douleur ne disparaît après quelques jours ou qu’elle réapparait dans les minutes qui suivent la reprise du sport, il faut consulter », conseille le Dr Bacquaert. Le diagnostic repose sur un examen clinique, et est confirmé par un examen d’imagerie médicale. « L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) est considérée comme le meilleur outil ici », souligne Patrick Bacquaert. Selon Christophe Lebleu et ses collègues cités plus haut, l’IRM permet de détecter une fracture de fatigue dans 86 à 100% des cas ; contre 74 à 84% pour la scintigraphie osseuse et 64-84% pour l’échographie. Quand à la radiographie elle ne permet pas de bien voir ces lésions avant 2 ou 3 semaines après le début des symptômes ; et alors sa « sensibilité » n’est que de 30%.
► Lire aussi : Fractures de fatigue, les examens complémentaires.
Quel traitement pour une fracture de fatigue ?
Souvent, il repose essentiellement sur un « repos relatif », avec arrêt du sport incriminé, mais maintien d’une activité physique légère, qui n’induit pas de contraintes mécaniques au niveau de la zone concernée (natation, vélo…). « Pour que l’os se restructure, paradoxalement, il doit être un minimum sollicité », explique le Dr Bacquaert. La guérison peut prendre jusqu’à 3 mois. Si nécessaire, le médecin peut prescrire une attelle, une orthèse plantaire ou des béquilles pour aider au repos relatif.
Quels risques si rien n’est fait ?
En cas de maintien de l’activité en cause malgré la douleur, la fracture de fatigue ne peut pas se consolider et finit par déboucher sur une « pseudarthrose », à savoir une « fausse » articulation au niveau de la fracture, liée à la cicatrisation indépendante des deux fragments osseux qui n’ont pas pu se consolider entre eux…. Dès lors, « il faut traiter la lésion comme une vraie fracture osseuse qui n’a pas consolidée : via une chirurgie avec pose d’un clou, d’une plaque, d’une tige, etc. (ostéosynthèse chirurgicale) », précise Patrick Bacquaert. Mais, rassure-t-il « ce cas extrême est relativement rare ».
Proportion des fractures de fatigue par activité sportive.
Une étude japonaise, portant sur 196 sportifs de bon niveau atteints d’une fracture de fatigue, a permis d’établir des liens entre proportion ou topographie des fractures et les sports pratiqués (tab. I et II).
Source : Sport et milieux militaires, « Stratégies diagnostique et thérapeutique des fractures de fatigue« , C. LEBLEU, médecin en chef, praticien confirmé. A. BUZENS, médecin principal. E. MONTAIGU, interne des hôpitaux des armées. E. FONTAINE, médecin. N. HOURT, médecin principal. R. KEDZIEREWICZ, médecin principal.