Histoire du dopage dans les années 1960

Affiche des Jeux Olympiques de Rome, 1960

Affiche des Jeux Olympiques d’été de Rome en 1960.

Le mot « dopage » a été recommandé par le Comité du Langage Scientifique en 1958. Il fut vulgarisé par des travaux à partir de 1960.

La revue « Médecine du Sport, organe officiel de la Société Française de Médecine du Sport », publie en 1972, dans son numéro 4 trimestriel, un article signé par le Docteur Stanilas BURSTIN, médecin de la Société du Nord de Médecine du Sport, responsable du Comité Flandre-Artois de la Fédération Française de Cyclisme.

Cet article, intitulé « 5 ans de contrôle médical anti-dopage en milieu sportif » montre que ce problème, loin de passionner les foules et les organismes internationaux était pourtant déjà une réalité en milieu sportif.

Le Docteur Burstin, auteur d’un ouvrage intitulé : Le Dopage, publié en 1961, disait : « pour combattre le dopage, il faut que l’on sache que les athlètes dopés relèvent avant tout de la thérapeutique et non des sanctions ».

Ce même auteur précise qu’en 1958, le thème « dopage » essentiellement francophone, a été recommandé par le Comité du Langage Scientifique. Il fut vulgarisé par des travaux à partir de 1960, essentiellement réalisés avant les Jeux Olympiques de Rome. Le dopage se substitue alors au nom « dopping », et fut requis par les médecins et journalistes sportifs.

Les médicaments dits « miracles » ou « inoffensifs ».

La Fédération Française de Cyclisme introduit alors dans les années 1960 le contrôle médical antidopage dans les courses et critériums, en distinguant deux étapes principales :

  • Médicale, reposant sur l’esprit olympique dans le but de moraliser, d’instruire et d’informer les cyclistes sur les dangers que présentent pour la santé de l’homme les médicaments dits « miracles » ou « inoffensifs ».
  • Légale, codifiée depuis la loi anti-doping, votée par l’Assemblée Nationale le 1er juin 1965, qui est en fait une date marquante pour les annales de la médecine du sport, puisqu’il y avait une officialisation de la reconnaissance du dopage en milieu sportif.

Pour faciliter la tâche des médecins sportifs de l’époque, le bureau médical de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs établit à cet effet une liste de produits interdits en vue de la compétition. Il est intéressant de constater que cette liste est toujours en vigueur, mais a été reprise actuellement par les organismes internationaux dont l’Agence Mondiale Anti-dopage.

Afin d’internationaliser cette lutte, une commission médicale sportive internationale est confiée à un Italien dès 1962. C’est en 1965 que la Commission de Propagande de la Conférence Internationale sur le Doping, à Strasbourg, émet un avis autorisé, traduisant un réel souci d’équité et de respect de l’éthique sportive.

Le 16 mai 1971, l’article 729 de « Réglementation sportive et technique du cyclisme français » relatif au « dopage » a été modifié dans le sens répressif. Des sanctions sont alors prises à l’encontre des coureurs amateurs dopés et ont été majorées d’une suspension d’un an et d’une exclusion définitive pour les membres de l’équipe de France.

Les arguments de l’auteur

Le Congrès International de l’UNESCO à Helsinki en août 1959, qui traitait de « Sport et Culture » a été particulièrement orienté vers la lutte contre le dopage. Les participants constatent que chaque jour, la drogue, avec son cortège de drames, minait les fondements principaux du fair-play en milieu sportif. On constate que, malgré le dévouement et l’enthousiaste des dirigeants, les actions contre le dopage et le dopping sont devenues largement inefficaces. Il est proposé une étude contre ces excès, dont l’adaptation des statuts, règlements et lois.

Sur le plan pratique, l’auteur soulève alors dès 1960, deux problèmes :

  • Que devient la notion traditionnelle du secret professionnel ? Il propose donc une étude spéciale liée au problème d’application sur le principe même de la divulgation des contrôles antidopage. Sa première impression va dans le sens d’un secret relatif et partagé.
  • La seconde interrogation est celle posée des coureurs amateurs ou professionnels qui présentent des troubles mictionnels. Il s’agit donc à priori d’une explication médicale pour confirmer l’absence de contrôle systématique des carences liées à l’impossibilité d’émettre de l’urine.

« Tous les coureurs prennent quelque chose »

Les coureurs de l’époque avaient donc des maux bizarres qui ne leur permettaient pas de satisfaire au contrôle demandé. L’auteur précise d’ailleurs que tous ces maux peuvent apporter en ce qui concerne le dopage, un certain nombre de faits positifs en faveur de ce qui n’est, à l’époque, qu’une hypothèse.

Il conclut : « une première constatation est que tous les coureurs, quels qu’ils soient, prennent quelque chose. Parmi les médicaments avoués, ce sont les vitamines, vitamine C en particulier, les complexes vitaminiques B, les fortifiants, l’alcool et les boissons alcoolisées, bières fortes, dont l’action diurétique est connue, la coramine, les injections sous-cutanées et intramusculaires de solucamphre, d’huile camphrée, etc. ».

On se rend donc compte que ce dopage existait, que les médecins de l’époque étaient confrontés aux mêmes difficultés que les nôtres, sauf que les produits ont changé. Aujourd’hui, ils s’appellent EPO, hormone de croissance, génie génétique, etc.

Considération psychologique

L’auteur se pose également la question sur l’impact du contrôle antidopage sur l’environnement psychologique de l’athlète. Il précise que, pour être efficace, un contrôle antidopage doit être secret, ce qui est évident, mais il a fallu encore beaucoup d’années pour se rendre compte que ce secret est difficile à tenir.

Déjà à l’époque, les parents des coureurs amateurs réclament ces contrôles, car il était évidemment inscrit dans la logique que c’est toujours le voisin qui se dope. Par contre, ces mêmes parents sont inquiets de voir un jour prochain leurs mêmes enfants obnubilés par les mirages et les médicaments dits « miracle » s’adonner au dopage et se retrouver positifs à leur insu. Il est étrange que l’histoire se répète souvent. Enfin, ces mêmes parents s’inquiètent sur l’escalade du dopage et la course vers … la toxicomanie.

Conclusion

En définitive, il est très intéressant de reprendre l’article de ce médecin, grand spécialiste en médecine du sport et de toute évidence praticien connaissant très bien le milieu sportif et vivant à priori pour et par le sport. Un certain nombre de nos responsables actuels pourraient tirer grand profit du contenu de cet article, qui se trouvent, finalement, 40 ans après, confrontés aux mêmes problèmes.

Il est rassurant de se rendre compte que le dopage n’a pas été inventé suite à la Loi Buffet. Il est rassurant de se rendre compte que des médecins de terrain, dans les années 1960, avaient déjà une vision très avant-gardiste des choses. On peut se poser donc la question sur cette amnésie collective, qui a amené brutalement cet orage dans un ciel serein, qui s’appelle « l’Affaire Festina ».

 

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