Aussi loin qu’il soit possible de remonter dans l’histoire du sport de compétition en général, et des jeux olympiques en particulier, l’on s’aperçoit très vite que ceux qui évoquent avec nostalgie l’âge d’or, se trompent.
« Là, se juge la vitesse des jambes et la hardiesse endurante de la force. Puis le vainqueur, toute sa vie, savoure le miel de la félicité. » PINDARE – 1ère Olympique.
Les cités grecques rivales qui, trouvant là l’occasion de démontrer leur supériorité, n’hésitaient pas à honorer somptueusement leurs champions, dont l’ambition, contrairement à la légende, n’était pas la seule couronne de lauriers. ASTYLOS de CROTONE, le CARL LEWIS de l’époque, devait remporter les médailles aux Jeux de 488 avant JÉSUS-CHRIST. SYRACUSE, ville autrement riche et puissante que la modeste CROTONNE, engagea alors à prix d’or ASTYLOS dans son équipe, où il fit merveille aux Jeux suivants.
Dès l’origine, encouragés par l’espoir d’une promotion sociale, de gains fabuleux, les concurrents n’hésitaient pas à tricher pour obtenir la victoire, allant selon PLUTARQUE, comme le roi sportif MITHRIDATE, jusqu’à empoisonner un rival qui avait eu l’impudence de le battre dans une compétition.
La viande de chèvre, utilisée pour bondir plus haut !
A OLYMPIE se trouvent toujours, peu avant l’accès au stade, les bases des Zanes, statues de ZEUS, érigées avec le montant des amendes infligées à ceux qui avaient contrevenu au règlement olympique. Les six premiers Zanes étaient le fruit de l’amende payée par le thessalien EUPALOS, convaincu d’avoir corrompu ses adversaires au pugilat en 388 avant J.-C. aux 98èmes Olympiades.
De tous temps les sportifs ont essayé d’améliorer leurs performances autrement que par l’entraînement régulier, le travail physique acharné. Les premiers à utiliser des moyens pharmacologiques furent sans doute les grecs, dont les rations de viande de taureau étaient décuplées quelques jours avant les épreuves olympiques. La viande de chèvre était utilisée par les sauteurs avec l’espoir de bondir plus haut !
Au XIVème siècle on retrouve chez les Incas l’utilisation du coca, dont ils marchaient les feuilles pour la sensation de fatigue et de faim. A doses plus élevées ce végétal, qui contient un alcaloïde, cocaïne, procurait une sensation d’euphorie en stimulant l’appareil neuromusculaire.
Lorsque les jeux Olympiques furent relancés en 1896, l’on assista en même temps à la renaissance des tricheries, diverses, mais également à l’avènement de l’utilisation progressive des stimulants. La strychnine fut sans doute l’une des premières drogues utilisées pour améliorer les performances. T.J. HICKS, qui obtint la médaille d’or du marathon en 1904 (après la disqualification de Fred LORZ, qui avait fait une partie du trajet en auto-stop !), avait comme dopant le cognac associé à de petites doses de strychnine.
Un fléau dangereux
Bien que ses conseillers médicaux n’aient pas fait mystère de ce détail, HICKS n’en fut pas moins sacré champion olympique. Les enjeux idéologiques et financiers se sont depuis accrus de façon considérable, en même temps que se développaient les moyens médicaux susceptibles d’accroître artificiellement et passagèrement les possibilités physiques des athlètes, mais en même temps de nuire à leur santé. Le danger, autant moral que physique, qu’est le dopage, est devenu un fléau dangereux, non seulement pour les athlètes de haut niveau, mais et surtout un danger pour les jeunes tentés de suivre l’exemple de leurs idoles.
Les premiers contrôles
L’histoire du dopage est malheureusement jalonnée de morts célèbres, mais combien d’autres inconnus ont fait les frais du dopage. C’est à la suite de la mort du Danois KNUT JENSEN, lors de l’épreuve cycliste sur des jeux olympiques de Rome en 1960, que le comité olympique décida d’instaurer un contrôle antidopage.
Guerre sournoise entre les médecins et chercheurs
Dès lors commença une guerre sournoise entre les médecins et chercheurs qui mettaient an point de nouveaux tests antidopage, tandis que d’autres s’efforçaient de mettre au point de nouvelles substances non détectables. Malgré tout, pendant le tour de France 1967 Tom SIMPSON devait payer de sa vie lors de l’étape du Mont VENTOUX, sans doute un excès d’amphétamines.
Les anabolisants fort prisés par les athlètes lourds (lanceurs, haltérophilies) aidaient également d’autres athlètes (nageurs, sprinteurs). Le marché des anabolisants constitue une source de rapport considérable et les place en tête du trafic des dopants (420 millions de N.F. pour une seule filière entre Mexique et U.S.A. en 1987). Les anabolisants furent à l ‘origine, lors des jeux de SEOUL en 1988 du plus grand scandale des jeux olympiques.
Chacun se souvient de Ben JOHNSON abattant le 100 mètres en 9 secondes 79, comme de l’image quelques jours plus tard du champion déchu. « La drogue a transformé la médaille de JOHNSON en monnaie » devait titrer le « Baltimore Sun ». Au-delà du délit individuel, des nations n’hésitent pas à créer de véritables laboratoires où sont créés, cultivés des champions parfois éphémères, à l’avenir physique et moral compromis.
Nous avons l’impression de rêver à la vision de nageuses androïdes, boursouflées d’hormones, de gymnastes adolescentes dont la croissance est freinée artificiellement pour leur garder agilité et souplesse. Quel sera leur avenir de femmes ? Que devient l’épanouissement par le sport ? Quel exemple pour les jeunes ? L’honneur d’une nation ne peut dépendre de victoires acquises au prix de la santé d’athlètes sacrifiés.
*Le Docteur Michel DUCLOUX a été Président de l’Ordre des Médecins de 2003 à 2005 et Ancien Président de la Société du Nord de Médecine du Sport.