Concept peu connu du monde sportif, le flow est pourtant vécu par une majorité de sportif de haut niveau. C’est un état qui est associé à la confiance et à la performance maximale. Il présente presque toujours les mêmes caractéristiques.
Ce concept de flow peut se définir comme un état d’équilibre parfait entre les exigences de la situation et le potentiel développé par l’athlète. Cet état, souvent qualifié de « petits nuages » ou de « pilote automatique » est en effet un état de réussite majeure, en prise directe avec le réel, facile, économique, où chaque action est pertinente et où les erreurs sont presque inexistantes.
Les exemples dans la littérature sportive sont nombreux.
Carole Montillet, championne olympique de descente à Sault Lake City, explique sa sensation de « voler au-dessus des bosses » qui l’effrayaient quelques jours auparavant. (Extrait de l’Equipe du 12 février 2002).
Certains sportifs relatent l’impression d’être dans un autre monde, de marcher à un mètre du sol comme s’ils flottaient.
Cet état de flow se retrouve également dans les sports collectifs. C’est alors tout un groupe qui agit à l’unisson, les gestes sont précis, les erreurs presque inexistantes et les choix tant techniques que tactiques les meilleurs. Se dégage alors de l’ensemble du groupe un sentiment d’harmonie et d’invincibilité. C’est ce qu’exprime Laurent Sciarra, meneur de jeu de l’équipe de baskets à Sydney,
« Si on prend le temps d’être en harmonie, on peut renverser des montagnes. »
(extrait de l’ouvrage de Heuzet dans préparation psychologique dans les sports collectifs, I.N.S.E.P., Paris 2001).
Mais cette une notion de flow s’exprime davantage encore dans les propos du capitaine de l’équipe de hockey sur glace a championne olympique à Nagano : « oui, il y avait une alchimie. Je ne sais pas comment exprimer. On pouvait la sentir dans le vestiaire, presque la toucher. Tout le monde allait dans le même sens. Je ne saurais dire d’où ça venais mais c’était la. » (L’Equipe du 10 février 2002).
Les exemples sont nombreux mais il semble qu’il soit parfois difficile de décrire cet état.
Pourtant ces caractéristiques sont presque toujours les mêmes. Certains auteurs nous en offrent un descriptif.
Wienberg-Gould proposeà partir d’interviews d’athlète (Athlètes in flow, Journal of Applied Sport Psychologie, 1992) plusieurs caractéristiques de la fluidité, caractéristiques complétées par Christian Target dans son ouvrage manuel de préparation mentale aux éditions Chiron.
• « Une immersion complète dans l’activité », qui « isole du reste du monde ». La concentration est maximale et reste focalisée sur l’action à venir.
• « Une sensation de contrôle, de perfection et d’efficacité maximale ». Seules les informations pertinentes sont traitées par le sportif. Bien qu’ils évoquent l’impression d’un pilotage automatique, paradoxalement, c’est un traitement stratégique de l’information qui s’opère à cet instant-là.
• «Fixation d’objectifs ou récompense extérieure à l’activité » ce qui veut dire que le sportif ne se focalise pas uniquement sur le résultat. La notion d’échec ou de réussite est ici absente.
• « Une impression de faciliter ». L’athlète est détendu et relâché.
• « Une impression de plaisir. » Le plaisir est au centre de la préoccupation du sportif.
• Le problème de la confiance ne se pose pas.
Daniel Goleman dans son ouvrage « l’intelligence émotionnelle » aux éditions Laffont, observe qu’en état de fluidité « le paradoxe est que les choses les plus difficiles sont faciles, les performances exceptionnelles sont tout à fait naturelles. À l’intérieur même du cerveau, on observe un paradoxe similaire, les tâches les plus compliquées sont accomplies avec une dépense d’énergie minimale ».
Dans cet état, plus les individus sont concentrés sur la tâche à accomplir, plus leur cerveau «se calme, c’est-à-dire que l’excitation corticale diminue». Il résuma ses propos en en parlant « d’un oasis d’efficacité corticale ».
Certains auteurs ont fournis d’autres descriptions de cet état de fluidité.
Christine LE SCANFF
• Une certaine amnésie qui amène le sportif à jouer de manière quasi automatique, instinctive, rendant difficile la description de la compétition.
• Une composante concentration/dissociation qui signifie que l’athlète est totalement centré, focalisé sur sa compétition, en faisant abstraction de tout ce qui extérieur. Certaines expressions reviennent comme « j’avais l’impression d’être dans un autre monde, comme dans un rêve ».
• Un détachement de la douleur qui amène l’athlète à accroître sa tolérance à la douleur, n’éprouvant pas de sensations de fatigue, de lassitude ou d’épuisement.
• Un changement perceptif qui se définit par des manifestations de transe, de distorsion du temps, de déformation de la réalité, l’impression de jouer au ralenti.
• Un grand sentiment de puissance et de contrôle.
==> Disponibilité physique, une faible anxiété, une grande énergie, de l’optimiste, un sentiment de calme, de focalisation, de confiance, et est extrêmement lié aux exigences de la compétition.
Les 12 points de James LOEHR :
• Les muscles sont relâchés et souples.
• Un état mental calme et tranquille.
• Une faible inquiétude.
• Une grande énergie.
• Des sensations positives et optimistes.
• Un plaisir et un amusement à jouer.
• Un jeu sans effort.
• L’action est instinctive et automatique.
• Une grande confiance en soi.
• Un esprit vif et alerte.
• Une sensation de grand contrôle.
• Présent et concentré.
Janet Young (psychologue, étude réalisée sur 31 joueuses de tennis).
Etat bref, temporaire, qui se déclenche le plus souvent à l’entraînement.
• Concentration sur l’instant présent.
• Capacité de faire face à la situation et de relever un défi.
• Faculté d’associer sans effort l’action à la prise de conscience.
• Détachement du résultat, du match et de soi-même.
• Sensation de maîtrise et de contrôle de la situation.
• Feedback important et précis.
Christian Target (op. cit.) nous propose une formule qui résume les caractéristiques de la fluidité et qui nous semble corroborer notre expérience. Cet état de fluidité, véritable Graal du sportif, est une quête permanente pour l’athlète.
Weinberg-Gould nous propose des pistes pour tenter d’accéder à cet état.
— être bien entraîné.
— canaliser les énergies restait détendu.
— maintenir une focalisation adéquate.
— prendre plaisir à l’activité en cours.
Pour Christian Target, les caractéristiques de fluidité sont celles de la confiance, et par conséquent passe par les mêmes voies, c’est-à-dire l’optimisation des savoir-faire permettant l’accès la confiance.
Pour des auteurs comme Goleman et Csikszentmihalyi, cet état exige des conditions particulières : « les individus semblent se concentrer mieux lorsque la tâche est un peu plus exigeant que d’ordinaire et qu’ils sont capables de donner davantage d’eux-mêmes. Si c’est trop facile, ils s’ennuient. Si c’est trop difficile, ils deviennent anxieux. La fluidité apparaît dans ces zones délicates délimitées par l’ennuient et l’anxiété. »
En reprenant la formule proposée par Christian Target, il semble fondamental d’activer l’émostat, d’optimiser la concentration et l’anticipation sur les sensations. Il n’y a en effet pas de grandes performances sans l’émotion qui la guide. C’est émotion qui va recruter le niveau d’énergie adaptée aux besoins de la compétition.
Pour activer l’émostat :
— la préparation physique énergétique doit être optimale.
— il faut construire et activer les émostats. « Le fait de pouvoir canaliser ses émotions vers le but donné est une aptitude primordiale. » Chaque compétition, quelle que soit sa nature, sa forme, exige la mise en état émotionnel particulier et ciblé, que ce soit dans la phase de préparation à la compétition ou que ce soit pendant l’épreuve, il est indispensable de trouver les états mentaux qui vont permettre de se brancher sur la réalisation de la performance optimale.
— chassez l’anxiété et apprendre à aimer la pression. Michael Johnson, cinq fois médaillées d’or aux jeux olympiques et neuf fois champion du monde d’athlétisme, nous donne la réponse : « la pression, il ne faut jamais la haïr ; au contraire, il faut l’aimer. » (Extrait de de l’équipe du 6 août 2001).
— recherchez le plaisir. « Le plaisir est une garantie, c’est un bon moyen d’oublier le contexte et l’environnement » rappelle le capitaine de l’équipe de France de volley.
Pour cela, la pratique de l’imagerie est absolument indispensable pour accéder à celle des savoir-faire. C’est un outil de base à la portée de chacun. La pratique de la relaxation apparaît également importante, par la capacité de ressourcement qu’elle entraîne et par l’excellente introduction qu’elle fournit à l’imagerie. La répétition mentale, le programme mental de correction sont également des procédures indispensable, nécessaire de connaître et d’utiliser au quotidien. Elles permettent respectivement d’apprendre et de perfectionner un geste ou un comportement, et de le corriger si nécessaire sans avoir uniquement recours à la pratique de terrain.
Il décrit également la nécessité de mettre en place des objectifs clairement définis, de contrôler le système de croyances qui nous gouvernent, de pratique, d’organiser et planifier un entraînement mental.
Par ses répercussions sur la performance mais aussi se bien-être qu’il procure, le flow constitue un véritable Graal, une quête éperdue pour le sportif.