Organisation médicale des compétitions de judo et para judo aux JO de Paris 2024

La Bobologie au quotidien, aux Editions IRBMS

Congrès 2024 : Dr Romain Rousseau

Les coulisses de l’organisation médicale de cet évènement planétaire

Retour sur les aspects organisationnels, épidémiologie des lésions et sur la stratégie de prise en charge des sportives et sportifs durant les compététions du judo aux JO et JOP de Paris 2024.
Pour rappel, le judo est le sport olympique fer de lance de la délégation française en terme de médailles depuis plusieurs olympiades.

Préambule

Il faut insister sur la difficulté de réceptionner sur les sites le pôle médical car rien n’était prêt à quelques heures du début de la compétition, en effet le sol des salles dites médicales n’était pas conforme et fut refusé par les instances internationales du judo. Mais on peut noter que le médical n’était pas le seul concerné !

Les tapis trop rebondissants ont dû être changés à la dernière minute, dans la nuit de mercredi à jeudi. « Ça, c’est réglé », mais « un des plus gros problèmes, c’est le nettoyage, parce qu’il y a de la poussière partout », explique Stéphane Nomis. « Il n’y a pas assez de caillebotis, il y a trop de poussière, c’est le Champ-de-Mars, et nos judokas, ils combattent pieds nus et en kimono », développe-t-il.

Il y avait aussi « un problème sur le flux des athlètes », qui devaient prendre « 10 minutes pour aller à la salle et revenir, alors qu’ils peuvent combattre toutes les 10 minutes, ce n’est pas possible », et d’autres problèmes « sur les pesées et sur les coutures de kimono », ajoute le président de la fédération…

→ En savoir + : « JO Paris 2024 : de la poussière et des tatamis remplacés, la salle de judo n’est pas prête » (Le HuffPost).

Localisations

  • Le camp d’entrainement : Stade Auguste Delaune (Saint-Denis)
  • Le centre de compétitions : Arena Champs de Mars (Paris)

Règles d’intervention médicale

1/ L’arbitre est décisionnaire

C’est l’arbitre qui décide de l’intervention du médecin. Si l’athlète demande à être soigné de lui-même, il est automatiquement déclaré perdant.

2/ Primo intervenant FOP

Le médecin de la délégation est le primo intervenant en cas de besoin. Le médecin P24 peut ensuite être appelé.

3/ 2 cas de figure

  • a) En cas de blessure mineure (type saignement) : c’est l’arbitre qui fait sortir le combattant et l’accompagne à l’une des tables médicales situées à proximité du tatami.
  • b) En cas de blessure plus grave (l’athlète ne peut pas se rendre lui-même à la table) : c’est le médecin de l’équipe athlète qui demande une intervention externe. Si l’athlète est évacué du tapis il est éliminé du combat.

4/ En cas d’absence du médecin de la délégation

Le médecin Paris 2024 peut intervenir, mais la décision finale sera prise par l’arbitre.

5/ Intervention des secouristes sur le FOP

Uniquement à la demande du médecin Paris 2024.

Fonctions du Médical Manager Sport

  • Relation étroite avec MML, volontaires médicaux et secouristes.
  • Relation avec les staffs médicaux des délégations, les fédérations internationales, le CIO.
  • Accueil et répartition des équipes volontaires médicales et secouristes.
  • Briefing, répartition des rôles, des postes, des règles d’intervention sur le tatami, consignes P24 (photos, contact avec les athlètes, etc), entrainement intervention.
  • Soutien au staff médicaux des délégations pour la prise en charge des athlètes.
  • Organisation des évacuations avec le MML.
  • Gestion de l’infirmerie et du matériel.

L’organigramme complexe de l’organisation médicale

 

Journée type

Le déroulement d’une journée type en compétition pour le médecin responsable :

Une journée de 7 heures à 21 heures.

  • 7h45 : Briefing avec MML et VSCC.
  • 8h : accueil 1ère équipe de volontaires médicaux et secouristes (environ 20 personnes).
  • 8h-10h : briefing/formation/répétition manœuvres d’évacuations/visite du site pour les volontaires.
  • 10h-14h ou 15h : début de compétition phases qualificatives 2 surfaces de compétition.
  • 14h : changement équipe volontaire et secouriste avec nouvelle équipe donc nouveau briefing complet.
  • 16h : début des phases finales 1 surface de compétition.
  • 19h environ : fin de compétition.
  • 20h : fermeture infirmerie après remise des médailles.
  • 20h15 : Débriefing MML et VSCC.
  • VSCC : Responsable du centre de commandements des opérations de sécurité sur site.
  • MML : Medical Manager Local, coordonne les moyens médicaux pour le public et les athlètes sur site (société privée).

Retour sur l’expérience du médecin responsable (Docteur Romain Rousseau)

  • JO judo du 19/07 au 04/08 (compétition 27/07 au 03/08).
  • JO parajudo du 28/08 au 08/09 (compétition 05/09 au 07/09).
  • Aucune consultation préalable au début du CDD donc pas de préparations avec les MMS en amont pour faire des économies…
  • Paris 2024 : monde de l’évènementiel difficile à comprendre… (multiple logiciels, vocabulaire incompréhensible, abréviations multiples…)
  • Mais que vais-je faire 1 semaine avant la compétition…??

L’impréparation initiale est un stress inutile apporté à l’organisation médicale des JOP. On a penne a penser que les JOP et son comité d’organisation puisse réaliser des économies sur « le médical » mais nous pensons que le monde événementiel ne passe pas par le médical, mais heureusement notre expérience et notre désir de montrer au monde notre savoir faire médical a permis en se remontant les manches comme poser par nous-même un nouveau sol de pallier à cette impréparation. L’obstacle majeur a été le long couloir d’accès entre le lieu de compétitions et l’évacuation médicale potentielle, de plus comment se reconnaitre avec les mêmes chasubles ?

Bilan des interventions en compétition de judo

  • Plus de 600 combats, 14 catégories + équipe mixte,
  • 8 jours de compétition,
  • 20 interventions,
  • 2 évacuations : 1 luxation coude (Bichat),  1 disjonction acromio-claviculaire stade 3 (Polyclinique),
  • 1 luxation épaule auto-réduite,
  • 1 perte de connaissance sur shime waza,
  • 14 saignements sur tatami (nez/main/face),
  • 2 sutures : plaie oreille externe, plaie paupière,
  • +15 consultations officiels de la Fédération Internationale de Judo.

Bilan des interventions en compétition de para judo

  • Plus de 250 combats,
  • 16 catégories,
  • 3 jours de compétition,
  • 4 interventions: saignement nez/face,
  • aucune évacuation,
  • 0 consultations officiels de la Fédédération Internationale de Judo.

Le bilan est heureusement positif avec seulement deux évacuations dont le process avait été mis au point avec les hôpitaux de Paris et la polyclinique médicale (Docteur Frey). Malgré l’enjeu, les interventions ne sont pas plus importantes pour les JOP que pour les autres compétitions.

9 saisons de surveillance de compétitions apportent les renseignements suivants

En compétition, un médecin assure la surveillance médicale et les premiers soins optimaux pour toutes les blessures. Les médecins participants remplissent une fiche médicale où sont notés le nombre d’athlètes, le nombre de combats, le nombre d’appels et le nombre d’interruptions de combat ainsi que le nombre d’athlètes blessés. Les blessures majeures sont également notées avec les paramètres suivants : âge, sexe, grade, pathologie.

La présente analyse a été réalisée sur les données de neuf saisons de 1993 à 2002. Il y a eu un total de 1 957 blessures, impliquant 1,34 % des participants et 1 % des combats. Les blessures des membres supérieurs prédominent, suivies des blessures de l’épaule et du coude. Les entorses sont la pathologie prédominante, suivies des fractures, puis des luxations (toutes articulations).

→ Source :
Analyse nationale de la traumatologie du judo en compétition (ScienceDirect)

Conclusion

  • Manque de préparation pour des choix budgétaire,
  • Même organisation pour tous les sports et même dotation d’infirmerie,
  • Aucune adaptation des moyens pendant la compétition (2 surfaces à 1 surface de combat…),
  • Enjeux politiques et financiers majeurs avec pression+++ et fatigue+++,
  • Officiels et fédérations internationales consommatrices de ressources médicales,
  • Aucun évènement majeur,
  • Athlètes très bien préparés avec faible taux de traumatismes.

Mais posons-nous les bonnes questions :

  • Quelle est la place de la médecine du sport même au JOP de Paris ?
  • Les médecins et l’ensemble de l’organisation médicale sont-ils relégués au second plan car les médias ne sont pas présents ?
  • Quelle image donner si, comme cela ne s’est pas produit, des erreurs médicales auraient conduit à des catastrophes sanitaires ?
  • Priorité à la communication, au spectacle et à l’ambiance au détriment de la sécurité des athlètes parfois…
  • La médecine du sport est-elle une spécialité ?

Conférence à télécharger au format PDF

Congrès 2024 : Dr Romain RousseauMedical Manager Sport Compétitions judo et parajudo JO PARIS 2024, par le Dr Romain Rousseau, Congrès IRBMS novembre 2024 (PDF, 30 pages, 2,5Mo).

 

 

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