Ostéopathie : métier d’avenir ou miroir aux alouettes ?
Un constat : de toutes les médecines dites « alternatives », « douces », ou « à expertise particulière » l’ostéopathie bat des records de popularité en France depuis la mise en application en 2007, des décrets réglementant l’activité et la formation des ostéopathes en France.
Un sondage Odoxa effectué en 2019 montrait à l’époque qu’environ un français sur deux avait consulté un ostéopathe les cinq années précédentes, avec un niveau de confiance à l’ostéopathie très élevé à 86%. Paradoxalement à cela, peu de médecins pratiquent l’ostéopathie comme le confirment les statistiques de la Direction des Recherches, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES). En janvier 2022 environ 1800 médecins avaient le titre d’ostéopathe, soit moins de 1% des médecins en France et environ 3% des médecins libéraux généralistes. L’ostéopathie ne fait pas partie de l’enseignement classique dans le cursus médical, et très peu de patients savent réellement ce qui se cache derrière le titre « ostéopathe ».
Le Nombre d’écoles privées de formation des ostéopathes après plusieurs régularisations par les instances publiques est quant à lui passé de zéro en 2007 à 76 établissements en 2014 sur tout le territoire. La dernière évaluation quinquennale du ministère de la santé effectuée en 2021 avait permis de renouveler l’agrément pour cinq années de 22 établissements sur 31, les 9 autres restant en attente.
Les effets d’une certaine régulation de la profession commencent à se faire sentir sur le territoire français, après une rapide saturation en quelques années de reconnaissance du titre d’ostéopathie partagé. On notait ainsi lors du dernier recensement de la DREES en 2022 près de 37000 porteurs du titre d’ostéopathe en France dans les registres du répertoire ADELI répartis comme suit :
- 23500 Ostéopathes non professionnels de santé dits « exclusifs »
- 11000 Ostéopathes kinésithérapeutes
- 1800 Ostéopathes Médecins
1200 autres ostéopathes professionnels de santé ni médecins ni kinésithérapeutes (podologues, infirmiers, sage-femmes).
Communiqué de presse mars 2017
Seul un Ostéopathe professionnel de santé (OPS = médecin, kinésithérapeute ou sage-femme) est habilité à travailler au sein d’une structure sportive et/ou de santé, en vertu de ses compétences techniques, juridiques et par la déontologie s’imposant à sa profession.
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Comment devient-on Ostéopathe en France ?
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Née au 19e siècle aux Etats Unis d’Amérique et développée par la suite en Europe et au reste du monde, l’ostéopathie est sensée prendre en charge des troubles fonctionnels sans organicité patente. En France, le domaine de la pathologie étant en théorie réservée aux médecins qui se doivent de porter un diagnostic positif et négatif aux symptômes du patient.
Les ostéopathes non médecins doivent eux se limiter au diagnostic d’exclusion qui leur permet de ne pas prendre en charge des maladies qui sont du ressort du médecin. Néanmoins, en pratique, cette limite théorique devient de plus en plus floue et des exemples d’exercice patent illégal de la médecine ne manquent pas.Au point que les patients souvent mal informés, prennent des ostéopathes pour des médecins, alors que les médecins ostéopathes ne représentent plus qu’environ 5% de la population des ostéopathes.
Ce flou artistique bien entretenu par certains, semble donc profond dans la population et le partage du titre d’ostéopathe entre les diverses populations n’arrange rien à cela, ceci d’autant plus que les réservations de consultations se font quasiment toutes en ligne sur un site internet commun.
Depuis le décret d’application n° 2007-437 du 25 mars 2007 de l’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relatif à la formation et à l’agrément des établissements de formation des ostéopathes, les médecins n’étaient plus les seuls à pouvoir exercer l’ostéopathie en France.
Il suffit en effet pour cela d’une autorisation de l’ARS, Agence Régionale de Santé qui est la seule habilitée à délivrer un numéro ADELI après vérification :
- Les médecins doivent être titulaires d’un Diplôme Inter universitaire (DIU), voire dans certains cas d’un Diplôme universitaire (DU) de Médecine manuelle et d’Ostéopathie.
- Les autres professions de santé et personnes souhaitant exercer, devront s’inscrire dans une des nombreuses écoles de formation privée agréées par l’état, se soldant en théorie après un minimum de 4860 heures en plusieurs années de formation d’un titre d’ostéopathie permettant l’exercice.
Il est à noter par ailleurs que de nombreux ostéopathes ayant acquis leur titre à l’étranger sont autorisés à exercer en France par commission sans aucune évaluation, après simple avis favorable.
La situation étant devenue intenable tant sur le plan démographique, ainsi que du contrôle du contenu de la formation et la qualité des soins. Les pouvoirs publics ont décidé en 2014 de reformer huit ans après, la formation des ostéopathes.
Depuis la rentrée universitaire 2015 / 2016 de nouveaux textes régissent la formation des médecins, des non-Professionnels de santé et des autres professionnels de santé (kinésithérapeutes, sage-femmes, infirmiers, et podologues) par les décrets n° 2014-1043 du 12 septembre 2014 et n° 2014-1505 du 12 décembre 2014 et leurs arrêtés.
Le titre d’ostéopathe reste partagé dans les champs de compétence définis par la loi du 4 mars 2002.
Bon à savoir
L’interdiction aux ostéopathes non médecins de traiter les pathologies organiques, de réaliser des touchers pelviens (toucher vaginal ou rectal), d’effectuer les manipulations gynéco- obstétricales, de manipuler le rachis cervical ainsi que de traiter les nourrissons de moins de 6 mois sans certificat de non contre-indication établi par un médecin. Interdiction formelle de prescrire des examens complémentaires, d’accéder aux dossiers médicaux de patients (rupture du secret médical).
Le socle de formation théorique des écoles a été renforcé par l’acquisition progressive des sciences fondamentales, la sémiologie et l’anatomie sans la pathologie (reste réservée aux médecins).
La durée de la formation est passée à 5 années, soit au minimum de 4860 heures sous forme de cours magistraux, travaux pratiques, travaux dirigés de 3360 heures et formation pratique clinique encadrée de 1500 heures comportant au moins 150 consultations validées.
Le DIU de médecine manuelle et d’ostéopathie des médecins est depuis complété d’une année supplémentaire d’études dans certains domaines de l’enseignement théorique. Il se solde par ailleurs obligatoirement à la fin, d’une soutenance d’un mémoire professionnel.
Titre partagé, mais compétences différentes : quelle différence y a-t’ il entre un médecin ostéopathe et un ostéopathe non médecin ?
Leur formation initiale :
Le médecin a une durée d’études allant de 9 à 12 ans en fonction de sa spécialité après le baccalauréat et une sélection stricte anciennement dénommée numerus clausus d’entrée, pour obtenir son diplôme de docteur d’état en médecine. Il s’oriente par la suite vers les études d’ostéopathie, en général au sein de la faculté qui se soldent par un DIU de médecine manuelle et d’ostéopathie.
Les autres professionnels de santé ont aussi une sélection d’entrée pour obtenir leur diplôme d’état avec une durée d’études de 5 ans pour les sage-femmes, les kinésithérapeutes et de 3 années pour les podologues, les infirmiers. Ils intègrent alors par la suite une école d’ostéopathie pour obtenir leur titre d’ostéopathe.
Les ostéopathes non médecins sont admis dans les écoles de formation privées sans numerus clausus, en général après le baccalauréat pour ceux qui ne sont pas professionnels de santé sur des critères variables. Le titre d’ostéopathe obtenu à la fin de ce cursus de plusieurs années servira de sésame pour exercer.
Les écoles d’ostéopathie privées se sont multipliées depuis 2007. On en comptait plus de 70 en 2014, toutes assez onéreuses en frais d’inscription mais dont le contenu et la durée des enseignements étaient variables et mal évalués comme prévu par les textes de loi. Ce qui a poussé les instances représentatives de l’ostéopathie à réclamer avec insistance une réforme et une refonte de ces écoles de formation aux pouvoir publics qui est en vigueur depuis 2015 et permis significativement de désamorcer l’emballement qui reste néanmoins significatif comme le suggèrent les graphiques ci-dessous.
La prise en charge :
Les consultations d’ostéopathie sont chronophages ce qui peut expliquer en partie leur prix. Il n’y a pas de remboursement par la sécurité sociale des actes d’ostéopathie qui ne sont d’ailleurs pas clairement codifiés dans la nomenclature des actes des caisses d’assurance maladie.
Quasiment la plupart des mutuelles et assurances de santé remboursent partiellement voire la totalité des actes d’ostéopathie. L’engouement envers la discipline est d’ailleurs un vecteur de communication pour elles.
Les ostéopathes médecins sont les seuls dont le code de déontologie impose de poser un diagnostic médical lors de leur consultation. Ils peuvent si besoin prescrire des investigations paracliniques au patient. Leur acte médical est pris en charge par l’assurance maladie.
Depuis 2007, la discipline a été saturée avec des praticiens de tout bord aux compétences très variées mettant tous en avant un titre qui masque beaucoup d’écueils. Le grand public recherchant une prise en charge de plus en plus individualisée, éco-citoyenne, n’utilisant pas ou peu de thérapeutiques médicamenteuses chimiques répond toujours grandement à l’offre ostéopathique qui ne connait presque pas de désert sur le territoire.
Cependant peu savent réellement ce qui se cache derrière ce titre accessible à presque tout le monde. Certains excès liés aux retards de prise en charge médicale par errance diagnostique ou à certaines dérives y compris sectaires sont signalés. La réforme de 2014 espérée par les ostéopathes non médecins pour limiter « la casse » et faire que ce métier au bel avenir ne devienne pas un miroir aux alouettes pour beaucoup de jeunes et de patients qui en attendent tant est maintenant réalité et tient en partie ses promesses.
Cette mise au point proposée par le Docteur Simon-Pierre MALLONG et réalisée avec les sources suivantes
- Journal Officiel de la République Française
- Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et de Statistiques : DRESS
- Registre des ostéopathes de France : ROF
- Ostéos de France syndicat
- Syndicat des Médecins Libéraux : SML
- Agence Régionale de Sante : ARS
- Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques : INSEE
- Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : MIVILUDES
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