La publication, il y a deux ans, de « Service volé » d’Isabelle Demongeot, dans lequel elle accuse son ex-entraîneur de viols, a suscité de nombreuses réactions dans le monde du sport et incité d’autres victimes à rompre la loi du silence.
« C’est un thème difficile à aborder, pas seulement dans le sport. En plus les victimes qui l’ont fait, comme la lanceuse de marteau Catherine Moyon de Baecque, se sont retrouvées exclues. On comprend le tabou » déclare Greg Décamps, chercheur et chargé en 2007 par le Ministère de la Santé de réaliser une étude sur les violences sexuelles dans le monde du sport.
Campagne de lutte contre les violences sexuelles (pdf, 2 p., 1 Mo).
État des lieux
Une enquête de grande envergure est commandée en 2007 par le Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports pour pouvoir évaluer l’étendue du phénomène dans le monde sportif, aussi bien amateur que professionnel. Elle fait suite à une première étude exploratoire entreprise en 2006 par Greg Décamps et Anne Joly.
Étude 2006 en région Champagne
Cette étude réalisée par Anne Joly et Greg Décamps en 2006, porte sur 117 étudiants en STAPS et met en avant un résultat étonnant : 8% de ces étudiants déclarent avoir subi une agression d’ordre sexuel en milieu sportif.
Mais les résultats varient considérablement selon le sexe, 10% chez les femmes et 4% signalent des agissements ambigus, contre 4% chez les garçons. Ils varient aussi sur la nature de ces agressions.
Les garçons subissent surtout des agressions sexuelles de la part d’autres sportifs, alors que les filles ont toutes été agressées par des hommes, présentant dans la quasi-totalité un ascendant sur elle (Entraîneur, Dirigeant de club, Professeur d’EPS.).
Aucune de ces victimes n’a déposé plainte et la majorité des victimes ont tu les faits à leur entourage.
Ces agressions se retrouvent quelles que soient les disciplines sportives. Ces résultats peuvent néanmoins être nuancés au vu de la difficulté à définir les termes et de toute l’ambiguïté de certains comportements.
Étude 2007 en région Aquitaine
Cette recherche réalisée par Greg Décamps à la demande Du Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, dans la région Aquitaine sur 356 sportifs de 18 disciplines différentes, âgés de 13 à 23 ans n’est pas achevée. Les résultats provisoires montrent que 31% des sportifs pensent avoir été confronté à au moins une forme de violence, et dans 57,2% ces violences prennent la forme de harcèlements, 23,4% d’atteinte sexuelle et 19,3% d’agression sexuelle. Des différences sont observées en fonction du sexe de la victime et dans 90% des cas, l’agresseur est un homme. Dans 46% des cas, l’agresseur est un autre sportif, le plus souvent du même âge, et dans 7% des cas, l’agression est commise par l’entraîneur.
Ces violences sexuelles s’inscrivent dans un contexte spécifique
Le corps y est magnifié, emblème de l’excellence et du dépassement de soi mais il est aussi objet, objet au service de la performance. Et ce corps est parfois maltraité.
La souffrance est une voie nécessaire vers la performance. La victoire est à ce prix, celui du sacrifice, du don de soi. Il s’inscrit dans le registre d’un véritable corps machine destiné à la performance et à l’exploit.
Les entraînements intensifs, sans cesse répétés, l’obligation de résultat imposée par les entraîneurs, vont conduire l’athlète à se forger un corps idéal, conforme aux exigences de sa pratique, et assujettit à la réussite et à la performance.
Claire Carrier évoque le « néo-corps du sportif ». « Le néo-corps sportif bien conçu est soumis à une obligation de rendement. Quelles que soient les disciplines sportives, les niveaux de pratique, les catégories d’âge et les sexes concernés, la tendance actuelle voit augmenter les heures et les cadences d’entraînements : toujours plus souvent, plus longtemps, plus intensivement ».
Le mécanisme d’emprise
Mais surtout, le sport place le sportif, et qui plus est le jeune sportif, sous le joug d’une figure d’autorité qu’est l’entraineur. « Le rapport de domination et le mécanisme d’emprise qui lient l’entraîneur à ses sportifs est au centre de ces affaires » (PHILIPPE LIOTARD). « Et les violences qui en découlent ne sont qu’une modalité contemporaine de la relation entre la violence sexuelle et les rapports d’autorité. Le corps forcé est déjà un corps au service de l’agresseur ou de ses semblable » (ALAIN CORBIN).
Si le sport constitue un terrain qui peut être propice aux violences sexuelles, l’idée n’est pas de stigmatiser le monde sportif, ni de générer des angoisses, mais de pouvoir lutter contre ces pratiques inacceptables, trop longtemps mis sous silence.
Pour lutter contre ces violences sexuelles des actions ont été menées sur le territoire national :
- La charte de bonne conduite dans le milieu sportif signée le 22 février 2008 ;
- Le dispositif de campagne d’information et de communication ;
- Des actions de préventions au sein des CREPS, des centres de formation, des fédérations et des entraîneurs.